Les mots qui manquent à Pierre Garzon

Pour son éditorial du magazine Villejuif notre Ville de novembre 2020 (n°255), Pierre Garzon, maire de Villejuif, a décidé d’« honorer la mémoire de Samuel Paty ».

Cet attentat terrifiant méritait en effet une parole officielle au regard de l’histoire et de l’histoire récente de notre ville. Il appelait en effet quelques paroles raisonnées et raisonnables. A la place de quoi, on a droit à un texte d’une « prudence » finalement assez dérangeante.

Si Pierre Garzon affirme que Samuel Paty a été « sauvagement assassiné » et que « nous sommes sous le choc », pour désigner les responsables de ces crimes – P. Garzon choisit d’associer légitimement l’assassinat de Samuel Paty aux attentats de Nice et de Vienne – il utilise une formule qui laisse un peu perplexe : les coupables seraient « ces idéologues de la mort et de l’asservissement ». Voilà un ennemi bien mal identifié auquel Pierre Garzon entend simplement opposer… « la longue marche de l’humanité ».

Court texte qui laisse perplexe tant il peine à nommer précisément les choses. A aucun moment donc ne sont évoqués le fondamentalisme religieux ou le fanatisme islamiste. A aucun moment le mot laïcité n’est utilisé alors qu’il est depuis le 16 octobre au cœur de bien des débats et des tribunes.

Cette façon de s’exprimer nous semble triplement regrettable.

D’une part, pour pasticher Camus, nous pourrions dire que ne pas nommer les choses c’est ajouter à l’incompréhension du monde. En ces moments si difficiles et confus, le rôle d’un édile est en effet de pouvoir trouver quelques mots justes et précis susceptibles d’exprimer et d’aider à comprendre le sens de tels événements. Surtout lorsque ces événements touchent à des principes si fondamentaux qui garantissent notre vie commune.

D’autre part, cette incapacité à trouver les mots est d’autant plus regrettable qu’elle vient du maire d’une ville qui par trois fois a été la cible de l’intégrisme islamiste (le 8 janvier 2015, le 19 avril 2015 et le 3 janvier 2020). Une incapacité d’autant plus déroutante que l’éditorial est écrit la semaine même où l’assassin d’Aurélie Châtelain (tuée à Villejuif le 19 avril 2015) a été condamné à la réclusion criminelle à perpétuité (le 5 novembre 2020), et quelques semaines seulement après la parution d’un article du journal Le Monde (du 20 octobre) qui évoquait des réalités possiblement préoccupantes pour notre ville (voir sur ce sujet notre article, Une intervention des élus s’impose).

Enfin, on objectera peut-être que plus qu’une incapacité il s’agit d’un choix délibéré ; que cette imprécision même est l’expression d’une volonté de ne pas stigmatiser ou « amalgamer » la communauté musulmane.

Si tel était le cas, ce serait pire qu’une incapacité.

La déclaration courageuse et rigoureuse des fédérations musulmanes et mosquées de France du 2 novembre 2020 manifeste très explicitement que ces organisations ont su saisir ce moment tragique (« Il y a des moments de vérité dans l’Histoire des Nations et dans celles des hommes » écrivent-elles) pour exprimer leur attachement à la laïcité comme leur condamnation du terrorisme islamiste.

Cette déclaration, parmi tant d’autres c’est une évidence, est l’exact inverse de l’éditorial de Pierre Garzon impuissant à qualifier une situation porteuse pourtant de tant de préoccupations et de questionnements.

Cela est particulièrement regrettable pour Villejuif.

Restons vigilants.

Je suis prof

2 réflexions au sujet de « Les mots qui manquent à Pierre Garzon »

  1. Notons surtout que le journal Le Monde a publié un témoignage sur la présence de personnes radicalisées au sein même des employés de la ville de Villejuif. Des citoyens ont demandé une réaction au maire et à plusieurs adjoints, et ces derniers s’en sont abstenus.
    Sans réaction publique et sans action au sein des services, il faudra donc conclure que le fait est connu et accepté par la municipalité.

    1. L’article du Monde a retenu notre attention. La personne en question « Isabelle » a certifié que le journal avait déformé ses propos : elle ne parlait pas de Villejuif mais « en général ». Les conseils de classe ont d’ailleurs eu lieu, des critiques ont été formulées contre certains personnels mairie intervenant dans les écoles, mais pas celle-là.
      Il était donc inutile que la Commune alimente une rumeur qui s’est avérée fausse, en la démentant publiquement cela n’aurait que concouru à la diffuser. Don’t feed the troll.

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