Le 8 mars 2021, Pierre Garzon, maire de Villejuif, adresse une lettre à Alain Weber – adjoint à l’Habitat, au Logement, au Parcours résidentiel et au Développement économique – et à l’ensemble de son groupe, Réinventons Villejuif, pour exprimer sa « déception » et sa « colère ». Les mots adressés à ces élus sont très durs : « triple faute », « malhonnêteté intellectuelle », « mauvaise foi », « politique politicienne », « manque de respect »… Le ton est martial et déterminé.
Que s’est-il passé ? Que reproche-t-il à son quatrième adjoint ? Qu’est-ce que le groupe Réinventons Villejuif, mené par Alain Weber a fait pour mériter une missive aussi cinglante ?
Le 7 mars 2021, le groupe Réinventons Villejuif publie sur son compte Facebook un article intitulé « Logement : nécessaire mise au point ». Quelques heures plus tard, les mêmes signent une tribune dans le bulletin municipal Villejuif Notre Ville de mars 2021 (n°259, p.32), intitulée Le service public municipal repose sur une gestion transparente et apaisée des agents municipaux.
Ce sont ces deux textes publiés qui sont à l’origine de la colère de Pierre Garzon, qui se montre finalement menaçant considérant que ces articles suffisent à mettre « en danger notre cohérence commune donc le mandat confié ».
A propos de l’attribution de logements sociaux
L’article « Logement : nécessaire mise au point » rappelle que l’attribution des logements est « un casse-tête » pour toute ville comme la nôtre où le nombre de logements sociaux disponibles reste très largement inférieur au nombre de demandes. Dans ce contexte, le groupe Réinventons Villejuif affirme qu’il est essentiel de ne pas courir le risque d’être suspecté de favoritisme et plaide pour que le maximum de garanties soient prises dans les procédures d’attribution afin d’éviter toute suspicion de népotisme.
« Le rôle d’un adjoint au logement, en tous cas tel que je le conçois, est d’apporter des réponses aux situations les plus sensibles, « sans distinction de sexe, d’origine ou de religion », comme dit notre Constitution. À quoi j’ajouterai : sans distinction d’opinion politique, réelle ou supposée : à partir du moment où il a été élu, l’exécutif municipal est au service de tous les Villejuifois.
C’est pourquoi, je serai toujours une vigie de la transparence dans l’attribution des logements sociaux. Je ne ferai jamais de clientélisme ni de fausses promesses. Mener une politique authentiquement de gauche de gestion des logements sur notre ville, c’est écouter la détresse de ceux qui recherchent à se loger, c’est expliquer nos marges de manœuvre et les accompagner. Mais ce n’est pas attribuer des logements au détriment des règles qui nous gouvernent. »
Tout en se réjouissant du renforcement des règles explicitées par la loi pour 2021, le groupe Réinventons Villejuif « milite pour aller plus loin encore » et défend le principe d’anonymisation des dossiers.
Difficile de trouver jusqu’ici sujet de vexation tant ces propos ne visent qu’à informer des règles en vigueur, à rappeler modestement la difficulté de la tâche et à énoncer quelques conditions nécessaires pour se prémunir de mécontentements qui pourraient être légitimes. En un sens ces remarques ne sont que des rappels des engagements de la nouvelle majorité.
Mais c’est probablement dans la suite de ce texte que Pierre Garzon a trouvé un vrai sujet de contrariété. Alain Weber et son groupe écrivent en effet pour conclure :
« On le voit, le sujet est suffisamment sensible pour que personne, surtout s’il est porteur de délégation, ne se permette de répandre des contre-vérités. La proximité des élections départementales et régionales n’excuse rien, bien au contraire. Les Villejuifoises et les Villejuifois ont besoin que tous les responsables essaient de répondre à leurs attentes plutôt que de se complaire dans le clientélisme et les jeux politiciens stériles. »
A propos du recrutement des agents municipaux
Au cours du conseil municipal du 2 février 2021, le Rapport définitif de la Chambre régionale des comptes sur la gestion municipale des années 2014-2018 a été, très logiquement et très légitimement, largement commenté.
Parmi les nombreuses prises de parole et commentaires, Anne-Gaëlle Leydier, adjointe aux Ressources humaines et à la Participation citoyenne, a relevé tout aussi logiquement pour son domaine de compétence les diverses insuffisances ou irrégularités pointées dans ce rapport.
A juste titre, elle a souligné que la Chambre régionale des comptes regrettait et reprochait à l’ancienne municipalité, par exemple, le manque d’outil de gestion et de reconnaissance des compétences des agents municipaux. Indiquons ici, que certains éléments qu’elle relevait (comme la formation insuffisante ou l’absentéisme élevé) figuraient déjà il y a dix ans au titre des griefs qui avaient été adressés par la même Chambre régionale des comptes à la municipalité dirigée par Mme Cordillot dans un rapport rendu public en 2012. Signe que les problèmes de gestion des personnels – entre autres – sont anciens, malheureusement.
Mme Leydier, regrettant le non-respect des procédures légales pour le recrutement et la gestion des personnels conclut en s’adressant directement à l’opposition, ancienne majorité :
« Dans votre politique de recrutement clairement vous n’avez pas été du tout ni transparents, ni équitables dans la gestion des deniers publics. »
Au cours du même conseil municipal, du 2 février 2021, M. Alain Weber a quant à lui souligné la sévérité de certaines recommandations, notamment sur la gestion du patrimoine de la ville, des commandes publiques ou sur l’absence de documents fournis aux élus pour l’acquisition et la cession de biens immobiliers.
Alain Weber proposait alors à la majorité municipale de faire de ce document non pas tant une arme pour dénoncer une énième fois la majorité précédente mais, plus positivement, un guide de conduite pour la majorité actuelle.
« Alors quand je lis ça, je me dis voilà une feuille de route, pour la suite des événements. Voilà des pistes, finalement assez fermement tracées mais que nous allons, nous, emprunter. Voilà ce que nous voudrons mettre en œuvre. Voilà ce que nous ne voudrons plus lire dans cinq ans ou dans six ans au prochain contrôle de la chambre régionale des comptes » affirmait-il.
Enfin, en tant président du groupe Réinventons Villejuif il a repris des éléments du Rapport de la Chambre régionale des comptes de 2020 qui concernent les procédures de recrutement des agents et personnels municipaux :
« Les pièces relatives au recrutement ne sont pas toujours présentes dans les dossiers individuelles des agents. Sur quarante dossiers examinés, vingt-quatre ne font état d’aucune procédure de sélection : cinq collaborateurs de cabinet, onze emplois fonctionnels, cinq directeurs ou responsables de services ou direction et trois agents. »
Et d’ajouter clairement :
« Voilà également ce que nous ne voudrons plus lire dans le prochain rapport de la chambre régionale des comptes. Et ce pour quoi évidemment nous allons nous engager fermement. »
C’est donc dans ce contexte et à la suite de quoi on doit lire l’article publié dans le bulletin municipal de mars. Le groupe Réinventons Villejuif n’y reprend que les principes adoptés par cette majorité dans sa Charte de gouvernance. Et ce sont ces principes qu’il entend faire respecter dès à présent : « Il nous faut maintenant mettre en œuvre ces intentions » écrivent-ils.
Ces exigences, selon Alain Weber, ne doivent pas souffrir de délai supplémentaire pour entrer dans les faits, dans les pratiques, tant les problèmes de ce type sont anciens. Le groupe ajoute alors :
« Compte tenu des départs massifs de cadres – volontaires ou non – depuis notre élection, il importe que les recrutements aient lieu en totale transparence en mettant en place les procédures garantissant que seule la compétence sera prise en compte ».
Tout en indiquant quelques dispositions pratiques qui pourraient concourir à la sérénité, la légalité et la transparence de ces recrutements (publication des fiches de postes, comités de sélection, jury…) le groupe conclut :
« Si l’urgence a pu expliquer qu’il n’en a pas toujours été ainsi, il faut que cela soit désormais notre feuille de route. »
C’est donc cette exigence – l’exigence d’une mise en application immédiate des principes défendus et proclamés par la nouvelle majorité durant sa campagne – que Pierre Garzon ne veut accepter et ne veut admettre.
Prenant immédiatement la défense de sa première adjointe, Pierre Garzon préfère répondre à cette exigence en menaçant Alain Weber de lui retirer son mandat :
« Je regrette profondément la ligne de confiance que tu viens de franchir. C’est pour moi inacceptable et met en danger notre cohérence commune et donc le mandat confié. » écrit-il dans sa lettre du 7 mars.
Rendant hommage aux autres élus plus sages de la majorité, saluant la « probité » d’Anne-Gaëlle Leydier, Pierre Garzon termine sa lettre en renouvelant sa menace pour être sûr d’être bien compris :
« Je saurais pour ce qui me concerne prendre mes responsabilités si cela s’avérait nécessaire. »
Insistons donc sur ce point particulièrement désolant et regrettable : les menaces du maire envers un adjoint suivent la publication de deux articles qui ont en commun de vouloir rappeler à la majorité municipale et singulièrement à sa composante communiste la responsabilité des élus et leur engagement à respecter la loi.
Le fait que ce simple rappel soit pour le maire une liberté de trop ne présage rien de bon.
Restons Vigilants