Christel Esclangon, élue d’opposition MoDem, a décidé au cours du conseil municipal du 27 mars 2024 de se faire l’écho – par la présentation d’un vœu – d’une pétition qui circule depuis plusieurs semaines à Villejuif et qui a réuni près de 300 signatures.
L’élue d’opposition exprime son vif regret de voir que pour la station Villejuif-Gustave Roussy de la future ligne 14 la fresque qui y sera installée sur les quais ignore purement et simplement l’Institut Gustave Roussy lui-même.
« Au même titre que la station Léo Lagrange célèbre dans sa décoration le mouvement sportif, au même titre que la station Pont neuf célèbre la monnaie, au même titre que la station Arts et métiers célèbre la révolution industrielle », explique Christel Esclangon, la décoration de la station Gustave Roussy aurait pu, aurait dû, célébrer ce centre de recherches et de soins d’exception.
Cela est d’autant plus regrettable en effet que le Campus Cancer qui va se construire autour de l’actuel Institut Gustave Roussy va placer notre ville parmi les tous premiers centres mondiaux de recherches et de traitement du cancer. A l’évidence, ce prochain quartier dessine une part importante de l’avenir de notre ville.
Tout à l’inverse, la fresque proposée semble figer Villejuif dans une histoire ancienne, celle des jardins ouvriers rassemblant quelques militants de la C.G.T. et quelques jeunes capables de s’exprimer seulement en langage « texto ». En bref, cette fresque, qui se veut amusée ou amusante, tourne délibérément le dos à l’avenir de la ville pour mieux la maintenir – avec un brin de condescendance dans son ironie – dans une histoire ancienne.
Or l’expression de ce reproche et surtout de ce regret d’une occasion manquée n’a pas été du tout au goût des élus communistes. Du tout. A commencer par Valérie Morin, adjointe communiste à la culture.
Après avoir « pris acte » de ce vœu – on ne sait comment elle aurait pu faire autrement – Valérie Morin répond d’emblée par un rappel à l’ordre. La loi du 7 juillet 2016 relative à la liberté de création affirme que la création artistique est libre. « Le fait d’entraver de manière concertée la création artistique est un délit » martèle l’adjointe à la culture. Et d’affirmer alors : « Ce que vous demandez dans votre vœu s’appelle ni plus, ni moins de la censure ».
L’outrance sert ici de réflexion.
Car, entendons bien.
Le simple fait de s’interroger sur la pertinence d’une œuvre, sur l’illustration d’un lieu public, sur le message contenu dans une œuvre exposée à un large public… cela est délictueux pour l’élue communiste Valérie Morin.
Elle rappelle alors que les artistes n’avaient qu’une seule obligation – celle de faire un lien entre « le monde souterrain du métro et la ville en surface ». Or, respectant ce simple cahier des charges, l’artiste Matthias Lehmann « a réalisé l’œuvre qu’il a voulue » insiste Valérie Morin en feignant de croire que cette affirmation suffit à répondre à la question soulevée.
Autrement dit : la liberté de l’artiste est la seule question à se poser. La seule.
Et s’interroger sur le sens d’une œuvre ? Non. S’interroger sur la pertinence d’une œuvre qui sera exposée dans un lieu public ? Pas plus ? S’interroger sur le message que contient une œuvre ? Non, non et non.
A partir de là elle surjoue son rôle de défenseur de la culture en évoquant tour à tour la bataille d’Hernani, Beaubourg ou la pyramide du Louvre… autant de moments qui, rappelle-t-elle avec courage, ont opposé les artistes libres et les censeurs ; censeurs auxquels l’élue MoDem est donc finalement identifiée.
Or, « Nous défendrons toujours la liberté de l’artiste » conclue Valérie Morin.
Ce faisant, et sans probablement même en avoir conscience, Valérie Morin a réussi à réduire une œuvre artistique à une simple libre expression. Selon elle, une œuvre vaudrait, absolument, par le seul fait d’être l’expression libre d’un artiste libre.
Singulière conception de l’art qui entend le réduire à une subjectivité pure et à une seule subjectivité. Essayer de comprendre, de formuler et reformuler ce que « dit » une œuvre, de percevoir ce en quoi elle participe d’un langage commun, commun à tous, serait devenu non seulement inutile mais délictuel !
Autrement dit, il faudrait que l’art n’est aucun sens discutable et discuté ; il vaut tout entier dans la subjectivité de l’artiste.
Etrange conception de l’art.
Semblant ne rien connaitre et ne rien savoir de la critique littéraire et artistique – à laquelle pourtant des gens comme Romain Rolland ou Louis Aragon ont pu consacrer bien des pages et bien de l’énergie – l’élue communiste feint de croire que la question soulevée n’oppose que ceux qui respectent la liberté des artistes et ceux qui ne la respectent pas.
Etrange conception de l’art qui désormais ne se discute pas à Villejuif.
Restons vigilant.