Le conseil municipal du 9 février 2023 a donné lieu, malheureusement une fois encore, à une étonnante manifestation d’amateurisme.
Cela a commencé par la lecture bien peu inspirée du rapport sur le développement durable par Anne-Gaëlle Leydier qui semblait, à l’occasion, découvrir la notion même de développement durable.
Puis, ce fut au tour de Julie Lambilliotte. 5ème adjointe à la petite enfance, Mme Lambilliotte présente un projet d’acquisition par la ville d’une ferme dans le département de l’Yonne. Avec l’enthousiasme de celui qui proclame un avis de décès, elle lit alors un document présentant rapidement le bien convoité : une ferme avec quelques dépendances situées sur 12 hectares de terrain dont une partie est actuellement exploitée.
Son intention est aussi de justifier cette acquisition, c’est-à-dire d’en préciser le but. C’est alors un festival puisque sont évoqués successivement mais sans lien « le droit aux vacances » pour tous, la possibilité de « séjours courts, voire à la journée », « un terrain qui permettrait de faire du camping » mais aussi « des actions pédagogiques et de sensibilisation qui s’annoncent riches et variées ».
D’autres élus communistes au cours de la discussion ajouteront encore à la liste de ces « possibilités » d’usage ; possibilités qui n’apparaissent limitées que par le nombre de participants à la discussion.
On l’aura rapidement compris : si les poules tombent parfois sur des couteaux, les communistes de Villejuif ont trouvé un couteau suisse !
Et ce dernier pourrait à volonté faire office de ferme pour alimenter les cantines en produits bio, d’accueil de colonies de vacances, de lieu de formation/réinsertion pour des jeunes orientés vers les métiers de l’agriculture, de lieu de villégiature pour les parents isolés, de lieu de fêtes pour des familles, etc. etc. La liste est sans fin.
Problème : l’opposition et les élus socialistes s’interrogent. Certains s’inquiètent même. Qui pourraient prendre en charge toutes ces activités ? Comment et à partir de quelles compétences ? Avec quelles installations ? Sur la base de quelles normes d’accueil ? Pour quels budgets ?
Autant de questions simples qui ne recevront aucune réponse.
Aucune, sauf une peut-être, répétée par des élus agacés : laissez-nous rêver !
Car, oui, les élus communistes et écologistes – ces derniers ont manifestement décidé de se ranger – plutôt que de chercher à rassurer sur le sérieux de leur démarche plaident tout au contraire et successivement pour le droit… au rêve. Oui, oui. Au « rêve ».
Et tant pis si le budget d’acquisition oscille entre 500 000 euros et 1 million d’euros. Et tant pis si le budget de fonctionnement reste totalement inconnu. Car l’essentiel est ailleurs.
Pour Mostefa Sofi, élu EELV et 8ème adjoint à la Santé, cette ferme représente une « solution de replis, c’est une bouffée d’oxygène » pour les enfants, les familles, les retraités…
« Il nous faut de l’audace » explique à peine amusé Antonin Cois, élus PCF et 16ème adjoint. Cela contribuera à « construire un autre modèle social » ici à Villejuif affirme Pierre Garzon, maire de Villejuif, qui y voit même l’occasion d’échapper à la loi du marché pour l’approvisionnement en produits bio.
« C’est no limit l’imagination » (sic) affirme Nadia Rekris, désormais élue EELV ; « Ca peut servir à tous les villejuifois ». Et exaspérée par le réalisme étriqué des opposants au projet elle finit par lâcher sobrement : « Les villejuifois sont heureux ».
Exaspéré lui aussi par les remarques et interrogations de l’opposition et des socialistes, Ozer Oztorun affirme – avec la modération qu’on lui connait – « J’ai l’impression qu’on est en train d’acheter un hôtel cinq étoiles sur la côte d’Azur ». On ne saura jamais s’il avait en tête – comme un souvenir inconscient ici – la superbe villa achetée à Mougins par le parti communiste pour Maurice Thorez. Mais l’essentiel est que les villejuifois comprennent que toute discussion en la matière n’est qu’ergotage.
Valérie Morin, élue PCF et 15ème adjointe à la culture, reconnait que les agents municipaux ne sont pas des fermiers mais rétorque avec une pointe de lassitude et d’agacement probablement pour rassurer les rabat-joie : « Evidemment la culture biologique est un plus. Et il sera toujours temps ensuite de réfléchir à comment on la met en vigueur » (sic).
Et de rappeler royalement l’essentiel : « Je pense qu’il faut aussi […] être dans l’idée qu’il faut rêver en grand. »
Ce qui, on en conviendra, est sans appel.
Tout cela pourrait être assez plaisant à regarder et à entendre si notre ville ne connaissait pas bien d’autres difficultés. Sérieuses celles-là.
Mais il y a probablement plus triste encore derrière cette annonce de « projet » et qui probablement est au fond de cet empressement amateur.
Pierre Garzon sait en effet parfaitement que la question écologique a été largement sacrifiée dès le début de son mandat. Le refus de réaliser une coulée verte au profit de construction de logements « très sociaux » en avait été une des tristes illustrations (cf notre article).
Dès lors, tout se passe comme si, pris de remords, Pierre Garzon voulait se rattraper. A défaut d’offrir des lieux de verdure à proximité des habitations – ce qui est la préconisation de l’Organisation Mondiale de la Santé et, un temps, la position défendue par les écologistes de Villejuif – la majorité espère verdir son bilan en « offrant » à la population 12 hectares de verdure à… 150 km de Villejuif.
Pour y prendre l’air… et rêver un peu… en grand. A d’autres projets pour Villejuif, sûrement.
Restons vigilants.