A l’évidence, le dernier conseil municipal du 9 octobre 2024 marque une étape importante sinon décisive dans l’histoire de l’actuelle majorité municipale.
Ce mardi 9 octobre, en effet, les trois groupes non communistes de la majorité – le Parti socialiste, Génération.s et les Ecologistes (EELV) – ont tenu à se désolidariser très clairement du projet de ZAC Campus Grand Parc tel qu’il est actuellement conçu et tel qu’il est exclusivement mené par le maire Pierre Garzon.
Anne-Gaelle Leydier présente le rapport d’activité de l’année concernant la ZAC Campus Grand Parc. L’année 2023 a été marquée par la signature de la Charte de la transition écologique qui comprend quelques 70 indicateurs qui visent à garantir la qualité des futurs logements : dont l’exposition des appartements, la taille des logements, etc. Les 70 indicateurs étant des objectifs et non des obligations.
Petit signe de mal à l’aise, Anne-Gaelle Leydier passe rapidement sur quelques remarques très générales en expliquant à quel point « les choses suivent leur cours » sans que, justement, ces « choses » soient désignées, et encore moins expliquées.
Suivent alors les interventions des divers groupes du conseil municipal. C’est là que tout se gâte.
C’est d’abord Gilles Lafon, pour le groupe Génération.s, qui annonce d’emblée l’abstention de son groupe car « l’enfer est dans les détails ».
Il regrette d’abord que les premiers lots livrés n’ont pas été présentés pour améliorer leur qualité et leur conception, notamment architecturale, conformément à la Charte environnementale adoptée par cette même municipalité en début de mandat. Or cela ne s’est pas fait.
Il ne suffit pas d’afficher 70 objectifs, 70 critères ou indicateurs, précise-t-il : encore faut-il être capable de les hiérarchiser. Or certains sont plus importants que d’autres et ce sont des éléments essentiels qui n’ont justement pas été respectés. Ainsi, le thème Santé et bio-climatisme de la Charte impose des distances entre immeubles à respecter en fonction de leurs tailles. De même, le fait que les appartements devraient être traversants, etc.
Or rien de cela n’est respecté, ce qui à l’évidence est fortement dommageable pour les futurs habitants. Ne pas respecter des normes de distance entre les immeubles pour des constructions de plus de 45 mètres c’est une erreur majeure, insiste-t-il.
Avec une ironie qui n’aura échappé à personne, Gilles Lafon indique que c’est bien dans un esprit « d’abstention active et positive » que le groupe Génération.s souhaite que pour les projets à venir ces indicateurs essentiels soient enfin respectés et qu’ils fassent l’objet de concours d’architecte, ce qui n’est manifestement et malheureusement pas le cas pour les premiers projets lancés.
Alain Weber, pour le groupe Parti socialiste, annonce lui aussi d’emblée l’abstention de son groupe.
Après avoir rapidement rappelé l’ampleur du projet scientifique de ce Campus il regrette fortement « la forme urbaine que prend certaines parcelles, » forme qui pour certains immeubles d’habitation « interroge ». Et pour être bien compris, il ajoute que « certaines images (de promoteurs) font apparaître une muraille qui rappelle une forme urbaine désuète et dont on ne veut plus ».
Pourquoi les habitants n’ont pas été plus largement associés dans la définition de ce nouveau quartier ? Pourquoi n’y a-t-il pas eu de concours d’architectes ? On comprend, en creux de ces questions, qu’aucun élu n’a été véritablement associé à ces projets, pourtant d’une ampleur colossale à l’échelle de notre ville.
Ce sont « tous les habitants de Villejuif qui auraient dû être concertés », affirme Alain Weber. Un regret d’autant plus vif que le budget de communication de l’aménageur existe, précise l’élu socialiste. Rappelons ici que l’aménageur, la SADEV, a pour président… Pierre Garzon (voir notre article sur son élection).
Pour finir, Alain Weber explique son inquiétude à propos du Sud de la ZAC dont il espère qu’il soit préservé de constructions.
C’est alors qu’Ozer Oztorun, pour le groupe Parti communiste, va tenter de rassurer tout le monde puisqu’une petite tension commence à se faire sentir dans la salle du conseil municipal.
Les phrases s’enchainent alors avec beaucoup de difficultés et laissent entendre que les élus communistes ont eu bien du mal à mesurer l’ampleur de ce futur quartier.
Selon lui, la ZAC respecte « les obligations légales » ; sans pouvoir expliquer en quoi ces obligations consistent. Sans pouvoir répondre aux objections qui viennent de s’exprimer, il finit par affirmer que l’essentiel c’est de « pouvoir loger des gens d’Alexandre Dumas au pied du métro ». Cela étant dit, il ne souhaite visiblement pas discuter des conditions réelles de logement et d’habitation qui sont alors offertes.
Un peu perdu, il finit par annoncer avec force que « l’IGR est le point culminant de l’Ile-de-France »… sans que personne ne puisse comprendre ce à quoi cela vient répondre.
Alors ? Alors, beh voilà, il n’y a pas de sujet, « il y a pas de problème de vis-à-vis » conclue-t-il. Comme s’il suffisait de prendre un peu de hauteur pour évacuer toute difficulté de voisinage.
Et tout le conseil a pu apprécier la brillante démonstration.
Christel Esclangon, pour le groupe d’opposition Révéler Villejuif, Modem, constate que la majorité se déchire sur cette question et se contente d’annoncer un vote contre : « Nous ne voulons pas du tout être associés à ce qui va sortir de terre ».
Ce qui semble finalement être l’intention de tous les groupes non-communistes.
Mais le plus dur reste à venir pour Pierre Garzon : Alain Lipietz, pour le groupe Ecologistes, va porter le fer précisément là où le bât blesse.
Il rappelle surtout que les Verts ont toujours été « extrêmement dubitatifs » sur les projets immobiliers qui accompagnaient les projets de Campus Grand Parc.
Rappelant l’historique des différents projets – 1 720 logements puis 3 300 logements – il rafraichit la mémoire de tous en rappelant que la première fois que 3 300 logements ont été envisagés, durant le mandat de Le Bohellec, l’ensemble de l’opposition de l’époque, dont le Parti communiste bien entendu, a voté contre… Il est désormais question de 3 000 logements. Ce qui selon Alain Lipietz va constituer « une barrière contre le vent » particulièrement dommageable.
Puis, il enfonce le clou :
« Cela a l’air monstrueux ; rassurez-vous ça l’est » tonne-t-il. Dans ce futur quartier, les habitants seront dans de « véritables canyons » entre des immeubles immenses. « On peut faire des gratte-ciel espacés, on peut faire des médinas… Mais faire… Dans un pays qui va bientôt avoir les températures d’Alger, faire des machins comme ça, c’est-à-dire à la fois les gratte-ciels et les uns contre les autres, cela va être totalement invivable ».
La colère d’Alain Lipietz et des Ecologistes est d’autant plus grande qu’il signale que les bâtiments du cluster médical consacrés à la recherche « eux sont magnifiques » ; preuve qu’il est possible – qu’il était possible, malheureusement – de faire de ce quartier un quartier d’une très grande valeur architecturale et urbanistique.
Par contraste, les bâtiments d’habitation, notamment ceux qui doivent accueillir des HLM, présentent une architecture et une conception… d’un autre âge.
Rappelant l’opposition de toute l’actuelle majorité aux projets présentés par l’ancien maire, Franck Le Bohellec – « nous étions tous d’accord, pour dire que c’est affreux ce que nous impose Le Bohellec etc., etc. » – cela doit aujourd’hui « nous avertir sur l’importance de se mobiliser » affirme-t-il en direction des diverses composantes de la majorité municipale.
Il reproche alors, comme le groupe Génération.s comme le groupe socialiste, le manque de transparence sur ce dossier pourtant capital pour notre ville :
« Cela n’a jamais été discuté entre nous. Il y a une sorte de technostructure, architecturalo-promotorielle, qui est en train de dire, finalement pour cet espace de Villejuif c’est nous qui en décidons »
Il faut bien comprendre ici la rudesse du coup.
Pierre Garzon n’est pas attaqué ici seulement en tant que maire de Villejuif ; il l’est aussi et surtout comme décisionnaire de premier ordre en tant que président de l’aménageur SADEV. C’est cette double casquette qui fait que Pierre Garzon est délibérément seul responsable de ce projet urbain. Et de fait, « il y a un problème de démocratie fondamentale qui est posé dans le destin de cette ZAC qui échappe complètement à notre contrôle », conclue Alain Lipietz avec force.
Il demande alors à ce qu’un débat sérieux soit initié et met en garde toutes les composantes de l’actuelle majorité municipale : « de toute façon les gens diront en 2050, ceux qui habiteront là-dedans et qui étoufferont par la chaleur, c’est le dernier maire, c’est-à-dire nous qui aurons décidé du malheur dans lequel on les aura plongés. Il y a un vrai problème de décision démocratique. »
L’attaque est tellement rude qu’il faudra les efforts conjugués et vains d’Anne-Gaelle Leydier puis de l’inénarrable Antonin Cois pour tenter de noyer toutes ces fortes interpellations dans des considérations vides de sens.
Pire, le maire lui-même, Pierre Garzon, semble abasourdi. Et face à l’adversité, il préfère monter en généralité. Suivant les conseils poussifs d’Ozer Oztorun, il semble parler depuis le point culminant de toute l’Ile-de France et, comme grisé par les hauteurs, s’épuise vingt minutes durant à expliquer que ceux qui critiquent de quelque manière que ce soit ce projet urbain s’opposent en réalité au Campus Grand Parc, s’opposent à la recherche contre le cancer, au progrès de l’Humanité, etc., etc.
Grosse ficelle, un peu pathétique et grossière. Inquiétante par la démonstration qu’elle fait de l’incapacité d’un maire à entendre des préoccupations particulièrement légitimes et essentielles pour l’avenir de notre ville.
Prenons acte toutefois d’une chose qui est apparue évidente au cours de ce conseil municipal du 9 octobre 2024 : Pierre Garzon et le Parti communiste de Villejuif portent toute la responsabilité d’avoir transformé une opportunité historique pour notre ville en un futur quartier de « malheur », selon le mot d’Alain Lipietz.
Restons vigilants.