Décidément le parti communiste de Villejuif a le secret des contre-sens historiques.
On retiendra en effet que c’est en mai 2022, mois d’ores et déjà record pour les températures enregistrées en France, que Pierre Garzon, maire de Villejuif, a dévoilé son projet de construction d’un lot de logements sociaux rue Jean Jaurès ; projet qui implique l’abattage de grands arbres anciens et prive les villejuifois d’un beau projet de coulée verte.
C’est Alain Weber, groupe socialiste, qui a évoqué au conseil municipal du 10 mai 2022, le projet de construction de logements situé au 108-112 rue Jean Jaurès. « Évoqué » car il s’empresse de dire qu’une réunion publique se tiendra le lendemain à 18h pour présenter ce projet.
Entendons bien ici : aucune concertation préalable, aucune démarche de « co-construction », aucun débat avec les riverains n’avait été initié pour un projet qui va pourtant annuler une promesse de campagne, annuler un projet qui était inscrit dans le programme d’union de la majorité municipale élue en 20201. De tout cela, la population ne sera donc informée qu’après le vote du conseil municipal.
Alain Weber indique toutefois que « c’est un projet de logement social » qui comprendra 44 logements en accession social à prix maîtrisé (prêt social en location accession), 11 logements locatifs sociaux classiques, un agrandissement de la résidence Philia2 qui accueille des personnes en très grande difficulté (elle compte actuellement 14 logements et au terme de ce projet 22 logements très sociaux). Seront aussi construits une crèche (20 berceaux) et des bureaux, pour l’association Philia.
La délibération ne porte pas sur ce projet – qui, lui, a été acté en toute discrétion par le maire en mars 20223 – mais sur une subvention (50 000 euros) que le conseil doit accorder à l’office du Val de Marne, Valophis4, porteur du projet.
Pour le groupe communiste Christophe Achouri prend la parole pour lire et délivrer un message : « Faire du logement social en plein centre-ville au pied du métro c’est aussi avantager la mixité sociale pour éviter les phénomènes de ségrégation ou de séparation qui mettent à mal la cohésion sociale dans notre pays ».
Cette justification est bien peu inspirée et témoigne surtout d’une connaissance assez superficielle de la ville tant Villejuif est connue pour justement avoir fait de longue date une très large place aux logements sociaux, en centre-ville.
Peu importe. L’essentiel est de présenter ce projet dans la sempiternelle lutte contre « les politiques de droite », contre « Emmanuel Macron », contre la municipalité précédente accusée d’avoir ouvert « la porte aux promoteurs immobiliers et à la spéculation immobilière »… Ce projet est aussi sensé être le résultat de « batailles menées avec les populations »…
C’est Natalie Gandais qui, pour le groupe écologiste, exprime son regret de constater que ce projet sacrifie un très grand parc arboré fait d’arbres anciens, alors que l’urgence climatique commande à tous « d’arrêter d’abattre des arbres, d’arrêter de sacrifier des arbres ». « Nous nous sommes engagés pour moins de béton et plus de vert » rappelle-t-elle à sa propre majorité.
Ce parc, sur lequel le maire envisage donc de construire des logements, devait faire partie d’un projet de coulée verte devant relier le centre-ville à la gare Louis Aragon. Ce beau projet, devenu nécessaire pour lutter contre le réchauffement climatique, a été rappelé à maintes reprises, sans effet.
Pour sa part, Alain Lipietz rappelle l’ objectif de 10 mètres carré d’espace vert par habitant. Or, signale-t-il, à force de renoncement cet objectif ne sera pas réalisé. Un objectif qui avait été pourtant voté à l’unanimité du conseil municipal et correspond à des préconisations de l’OMS. Et cette coulée verte de Louis Aragon au centre-ville était d’ailleurs inscrite dans le programme de l’union municipale.
Dans une saine colère, Alain Lipietz indique que ce renoncement est antisocial et participe de l’idée que, dans les villes populaires, l’urgence doit toujours être le logement plutôt que les espaces vert, plutôt que l’environnement.
Rappelant la situation sociale souvent difficile des habitants de Villejuif, dont certains sont « surexploités ou précarisés », il regrette fortement que « chaque fois qu’il y a la possibilité de planter quelque chose pour eux, de leur offrir un espace vert pour eux, on leur dit « ah, non, non, on va entasser encore, dans notre commune, plus de travailleurs à revenus modestes. » Je pense que c’est une profonde injustice. »
Il termine son allocution par un appel : « S’il vous plait, arrêtez de priver les ménages modestes de Villejuif des 10 mètres carré d’espace vert par habitant auxquels ils ont droit ».
Ce projet nous semble bien symbolique de cette manière assez désespérante d’opposer la social et l’environnement. Malgré leur discours, et les décisions du conseil municipal le prouvent, pour Pierre Garzon l’écologie peut attendre. Il n’y a pas d’urgence écologique.
Le cynisme s’exprimera finalement très explicitement avec la prise de parole de Mostefa Sofi, étiqueté EELV mais favorable au projet. Tentant de défendre – bien maladroitement d’ailleurs – ce projet, il finit son allocution pour la plus grande satisfaction du groupe communiste par ces mots : « Je veux juste rappeler qu’on est dans une séquence électorale et que la campagne devra se mener aussi notamment sur cette question du logement social et pas sur d’autres thèmes assez stigmatisant ».
Non seulement il n’y a pas d’urgence écologique. Mais, à Villejuif, la défense de l’environnement, la question écologique est et doit rester une question bourgeoise.
Restons vigilants.
1 « Nos 125 proposition pour une ville solidaire & écologique », page 6, proposition 43 : « Développement des coulées vertes entre les parcs. »
3 On peut lire dans l’article de Alain Lipietz sur le site Villejuif Ecologie : « Ce vote est assez formel, la décision est déjà prise : par lettre du 13 mars, le maire annonce à Valophis que la subvention lui est accordée. »
4 https://www.groupevalophis.fr